Salut Intisar, comment vas-tu ? D’où nous réponds-tu ?
Salut la famille Distance Athletics ! Je vais très bien. Merci pour l’intention et j’espère que tout va bien pour vous aussi. Je viens de Londres, au Royaume-Uni. J’ai entendu dire qu’un nouveau magasin ouvrait.. Félicitations et j’ai hate de venir bientôt !
Tu vis donc à Londres, mais tu as grandi à Abu Dhabi, aux Emirats Arabes Unis et tu as des origines Somaliennes, Soudanaises, Ethiopiennes et Yéménites. Qu’est ce que la diversité de tes origines t’a apporté et comment t’accompagnent t-elles aujourd’hui ?
Oh wow. Je suis vraiment une enfant du monde et je suis si fière d’être connectée à tant de nations et de me sentir vraiment citoyenne de la communauté mondiale. Il faut un village pour élever un être humain et le mien a été très beau. Par où commencer ? L’histoire, les cultures, les langues, les aliments (…) de mes pays d’origine ont fait de moi ce que je suis et le point bonus est que je soutiens et que j’encourage toutes ces nations pendant les compétitions d’athlétisme ! Je pense que c’est ma partie préférée en ce moment. J’adore voir mes héros courir sur des scènes de niveau mondial, gagner des médailles d’or et hisser haut nos drapeaux. Fier est un euphémisme et appartenir à tant de maisons est un sentiment magnifique.
Tu travailles pour le Service National de Santé, en quoi cela consiste et qu’est ce que ton métier t’apporte personnellement, en tant qu’être humain ?
Je suis diplômée en santé publique et je travaille à la participation des Patients et du Public aux services de santé mentale pour le Service National de Santé (NHS). Je travaille surtout avec les jeunes et les familles (la partie patient) après la fin de leur thérapie, pour apprendre de leur expérience en tant qu’utilisateur de services publics et utiliser cet apprentissage pour améliorer l’accès aux services de santé mentale pour les autres membres de la communauté (la partie publique).
C’est un rôle difficile, surtout en période de pandémie et à une époque où la liste d’attente pour accéder aux soins de santé mentale est si longue. J’aime ce que je fais et la récompense vaut le travail.
Dans ce contexte, tu es allée à Rio de Janeiro, au Brésil, en 2016. Peux-tu nous parler de tes expériences là-bas ?
Mon séjour à Rio de Janeiro a probablement été l’un des meilleurs moments de ma vie ! Je suis allée là-bas avec un organisme de bienfaisance en tant que bénévole pendant l’épidémie de virus Zika au Brésil. Mon rôle comprenait l’engagement communautaire et l’éducation en santé avec les infirmières en santé publique et les équipes de promotion de la santé ; les communautés avec lesquelles j’ai travaillé étaient si gentilles et accueillantes, elles m’ont aidée à acquérir un nouvel apprentissage sur la façon dont les gens du coin vivent dans les favelas et sur le fort sentiment de famille et d’appartenance que vous y trouverez. C’était si beau d’en être témoin… j’espère que je reviendrai bientôt.
Quelle place le sport et plus particulièrement la course occupent-ils dans la promotion de la santé mentale?
Des études ont démontré l’impact positif de l’exercice comme la marche et, plus récemment, la course (Oswald et al. 2020) sur les résultats en matière de santé mentale ; les études suggèrent que courir peut provoquer des répercussions positives sur les troubles anxieux et la dépression. Tous les êtres humains sont différents et peuvent avoir besoin d’une approche différente pour aider à maintenir un bien-être mental positif ; la course peut être une façon d’aider à cela. Je suis tellement reconnaissante d’avoir ce sport pour aider à maintenir mon bien-être physique et mental. Ca me procure tellement de bonheur.
Tu pratiques le yoga et tu as terminé trois marathons majeurs mondiaux, le sport semble essentiel pour toi ? Comment gères-tu ton quotidien entre le sport et le travail ?
J’apprends encore à gérer ! Crois-moi… c’est un voyage.
Je m’entraîne actuellement pour le marathon de New York 2022 et si tout se passe comme prévu, je gagnerai ma quatrième étoile là-bas. Je dis que j’apprends encore parce que chaque jour est différent et la vie vous réserve parfois des surprises. J’apprends à vivre une vie épanouissante en même temps que mon entrainement, mon travail, ma famille et mes amis. Pratiquer et enseigner le yoga est mon « me-time » (temps à moi) ; cela m’aide à me recentrer et à mettre ma vie en perspective.
Tu portes fièrement le Hijab pendant tes entraînements et tes compétitions ; qu’est ce qu’il représente pour toi ?
Je suis une musulmane, noire, une femme portant le hijab lors de mes courses au Royaume-Uni et dans le monde. Cela brise déjà tellement de stéréotypes qui peuvent être associés au port du hijab chez les filles et les femmes. Le hijab est une partie intégrante de notre foi et oui, nous pouvons aussi courir en le portant. Il montre au monde que les filles et les femmes musulmanes sont des membres actifs de la communauté et, espérons-le, inspireront la prochaine jeune personne à courir également.
C’est la partie dont je suis la plus fière ; pour inspirer une partie des futurs runners à porter le hijab.
En 2022, nous ne voyons pas beaucoup d’athlètes professionnels le porter. À ton avis, ont-ils un rôle à jouer dans la démocratisation et la libéralisation du port du hijab dans les milieux sportifs ?
C’est une question de liberté de choix; ma liberté, la vôtre, la liberté de chacun de porter ce qu’il veut. Pourquoi le hijab est-il différent de tout cela?
C’est le sujet le plus discuté dans le monde du sport et j’aimerais que ce soit plus positif. Le hijab ne me met pas en danger lorsque je cours, cette idée doit changer. Les femmes musulmanes devraient pouvoir courir et concourir dans les sports professionnels à tous les niveaux en portant le hijab ; je crois qu’il est de la responsabilité de chacun de maintenir la discussion et l’élan que j’entreprends.
J’ai commencé à suivre le travail effectué par Les Hijabeuses en France et j’ai été tellement inspiré par leur travail acharné et leur dévouement à changer le récit entourant le hijab en France. C’est le rôle qui devrait être joué lors de la campagne pour les droits des femmes et les athlètes portant le hijab.
Tu travailles avec Nike, une marque connue pour ses valeurs universelles : tu es fière de représenter cette famille ?
Oui ! Je suis fière de pouvoir faire ce que je fais soutenu par Nike. Cela m’a offert un tremplin pour partager mon histoire et ma passion pour la course en tant qu’athlète portant le hijab et m’a ouvert tant de portes d’opportunités aussi. La famille Nike a été consciencieuse pour moi pour de vrai. Je veux dire... les chaussures de course sont assez géniales aussi !
A ton avis, à ce sujet, Nike sont-ils en avance ou sont-ils en ligne avec d’autres marques ?
J’adore cette question ! Je ne suis même pas biaisée, mais je crois que Nike est en avance. La première marque à sortir un hijab sportif pour les athlètes musulmans en 2017 a changé la donne pour beaucoup, y compris moi-même !
Cela étant dit, de nombreuses marques sont maintenant plus inclusives et c’est une belle chose à voir.
Quels sont tes rêves ?
J’adore cette question aussi. D’accord… par où dois-je commencer ? De gagner définitivement les étoiles restantes dans mon voyage mondial de marathons majeurs. De rester amoureuse de la course à pied et d’emmener plus de monde à bord aussi ! Kipchoge dit à ce sujet «La course est la vie» ; c’est vrai et je vis par cela tous les jours. De briser toutes les barrières empêchant les personnes d’origines noire, asiatique et minoritaire de se mettre à courir. J’ai vraiment hâte pour celui-ci. De courir heureuse, en bonne santé et sans blessure. De retourner à l’université et obtenir mon doctorat… nous verrons ! Tant de rêves, mais ce sont eux qui résonnent le plus.
Merci mille fois Intisar pour ton temps et ton engagement. A ton avis, qui devrions-nous interviewer pour notre prochain portrait ?
Merci de m’avoir reçue ! J’ai passé un très bon moment à faire cette entrevue. Une autre coureuse portant le hijab qui m’inspire ; Ines de Golden Blocks. Elle est d’une puissance ! Merci encore pour la conversation.
Love,
Intisar.
