Lyonnais de 30 ans installé à Paris, Lionel Jagorel, plus connu dans le milieu sous le pseudo de Lionel Fracture, a lancé en 2013 le site Jolie Foulée, qui fait rimer course à pied et second degré. De passage dans sa ville d’origine pour les Nuits Sonores, il en a profité pour prendre part au premier run hebdomadaire de Distance.
Comment as-tu commencé le demi-fond ?
Lionel Fracture : J’ai toujours aimé la course à pied, mais je m’y suis réellement mis à 18 ans. J’ai arrêté la fac au bout de deux semaines, j’étais jeune et probablement pas à ma place !
Pour garder un rythme, j’ai commencé à aller aux entraînements du club d’athlé de Bron – l’ASUL, qui a rejoint depuis l’Entente Sud Lyonnais. Je m’y suis fait des super potes, avec qui je n’aurais probablement jamais accroché autrement. Puis j’ai intégré un IUT à Lyon. Je faisais souvent sauter les cours de fin de journée pour ne rater aucune séance. Ce que j’appréciais à l’époque, c’est qu’on se donnait à fond à l’entraînement, où il y avait une sorte de compétition saine entre nous. On était dans un état d’esprit de chasse aux records. Cette année-là, j’ai signé mon meilleur temps sur 10 km : 34’37’’, ce qui m’a permis de me qualifier ric-rac pour les championnats de France Espoirs à Port Leucate.
Après ça, je suis parti un an en Angleterre, où je me suis entraîné seul. Je me suis réinscrit au SATUC à Toulouse, quand j’étais en école de commerce. Il y avait Djilali Bedrani avec qui j’ai partagé quelques entrainements car nous avions le même entraineur, il était cadet et déjà plus fort que moi, pas étonnant qu’il soit devenu champion du monde militaire de cross court. Je suis rapidement revenu au niveau de mes records et mon coach pensait que je pouvais viser 1’55’’ sur 800 m. Sauf qu’après les cross, j’ai commencé à avoir mal au tibia. J’étais dégoûté car j’ai dû stopper ma saison au moment de passer à ce que je préfère, la piste. On a mis plusieurs mois à trouver la cause des douleurs : un ostéome ostéoïde. Une partie de mon tibia était devenue molle. J’ai subi une greffe et suis resté un mois et demi au lit avec une botte. Alors que le médecin et le kiné avaient donné leur feu vert, en faisant un footing de reprise tranquille, je me suis légèrement tordu la cheville et le tibia a cassé juste au-dessus de la greffe. J’ai douillé comme jamais ! Résultat : une nouvelle opération, avec plaque et 17 vis, et un arrêt d’un an. Après cette fracture, qui m’a valu mon surnom, je ne suis plus jamais retourné en club. Les séances, à force, je les connaissais, donc j’ai choisi de m’entraîner de mon côté, le plus souvent avec des potes pour qu’ils me canalisent.
En revanche, j’ai toujours gardé contact avec mon premier coach, Jean-Claude Courtois, alias Gros Minet, qui avait une très bonne approche quand j’ai débuté. Avec lui, c’était sérieux mais sans pression. Quand je prépare une course, je lui demande un plan d’entraînement, comme ça a été le cas pour mon premier marathon à Amsterdam en 2015.

C’est suite à ta fracture qu’a débuté l’aventure Jolie Foulée ?
Après ma blessure, je suis monté à Paris pour mon stage de fin d’études chez Nike. J’ai ensuite travaillé pour Bleu de Paname, avant de switcher en agence de relations presse. Je m’y occupe de marques de sport principalement outdoor, comme Patagonia.
Et à côté de ça, en effet, on a lancé Jolie Foulée à l’été 2013. C’était l’époque où la course à pied prenait de plus en plus d’ampleur. On voyait qu’avec Internet il se passait pas mal de choses, qu’on pouvait entrer en contact avec les marques et qu’elles soutenaient certaines initiatives. Avec Idris, on s’est dit : « Vas-y, on parle de ce qu’on aime, on verra si ça prend ! »
Je courais beaucoup, Idris un peu, et on était tous les deux fans de chaussures de sport, donc on a décidé de mélanger les deux. Pour la ligne éditoriale, étant un gros lecteur de So Foot, je me suis inspiré de leur ton et ça a plutôt bien fonctionné. Juste après notre lancement, il y a eu le 10 km Paris Centre. Nike nous a donné dix dossards à faire gagner. On a alors organisé un concours qui nous a ramené pas mal de followers. Peu de temps après, Adidas a créé la Boost Battle Run (l’ancêtre d’Adidas Runners Paris) et ils nous ont immédiatement contactés. Quand ils nous ont envoyé la première Adios Boost, qui avait un coloris de fou, on était comme des gamins ! Jérémie et Benjamin ont rapidement rejoint l’aventure. Puis, au fil des années, des courses et des rencontres, l’équipe s’est agrandie. Aujourd’hui, on est 13. On échange en permanence via une conversation Facebook. Les gars me proposent des sujets, je relis leurs premiers articles, parfois je les corrige un peu. Certains ont carte blanche maintenant, je leur fais totalement confiance. On a tous nos jobs à côté, donc c’est parfois compliqué de gérer le flux des publications. Mais il n’y a pas de pression : il faut que chacun écrive quand il en a envie.
Quels sont vos prochains projets chez Jolie Foulée ?
Côté compétition, on devrait s’aligner sur le marathon d’Amsterdam, qui a lieu en octobre. Un mois avant, on a prévu de faire Auray-Vannes, un semi où tu gagnes un petit bol breton. Il y a un côté « retour aux sources » qui me plaît énormément dans ces petites courses, et qui change des grosses machines comme le marathon de Paris ou les 10 km L’Equipe. En plus, on avait promis aux Bretons chez qui on est allés tourner la première vidéo de « J’irai courir chez vous » de repasser les voir. Pour ce projet, on est partis un week-end en novembre dernier avec mon pote Ben, dans un van fourni, équipé et stické à nos couleurs par Nike, à la rencontre de ce qui est pour moi la vraie course à pied, loin de l’image que véhicule la communication des marques. Car les coureurs, ce ne sont pas forcément que des gens stylés qui transpirent dans les derniers produits à la mode à travers les rues de Paris. Ce sont aussi des petits jeunes qui se font mal à l’entraînement, des gens qui se dépassent dans une bonne ambiance. Quand on est arrivés à Auray avec notre camionnette, les gamins avaient des étoiles plein les yeux. Ils avaient la sensation que Nike les reconnaissait. On a été super bien reçus. J’aime beaucoup ce caractère authentique de la province, c’est pourquoi on réfléchit à repartir sur les routes pour réaliser un deuxième volet de « J’irai courir chez vous ».
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